Texte : Merci pour votre réponse. (Et pardon pour le retard. Etudiant en prépa lettre, j'ai tendance à me laisser submerger par le boulot...) Je trouve très intéressante l'idée de rapprocher le cinéma expérimental tel que vous le pratiquez avec la poésie en littérature. On pense alors immédiatement aux poèmes de la modernité, qui font fi des canons et des formes classiques, alignent leurs vers libres, laissent place au « blanc », à la rupture, au « descort », des vers où les sons s'agitent, se hachent, se cassent, se répètent, tremblent et luisent, tout comme les photogrammes de vos films. Le baroque - que vous mentionnez vous-même - présent dans vos films, est également très intéressant : il semble aller dans le même sens d'une opposition aux diktats qui interdiraient toute « débauche » d'images, de couleurs, de richesse visuelle et imposeraient plutôt une harmonie et une stabilité fadasses. (Le cinéma amateur, dans une sorte de volonté vaine, bannit lui aussi une certaine forme d'instabilité.) Dans un de ses textes, Proust compare le travail de l'artiste à celui d'un oculiste : le traitement par ses œuvres change notre vision des choses et du monde. J'ai le sentiment que c'est ce qui se passe avec vos films, tant leur esthétique, leur mode de "fabrication" est à part. Ils nécessitent un travail d'accommodation de la part du spectateur qui souhaite y entrer. Puis ils nous entraînent au gré du rythme des images. Surtout, je trouve qu'ils suscitent une forme d'[I]hypnose[/I]. Dans [I]Diasparagmos[/I], que j'ai revu il y a peu, j'ai été saisi, emporté, en particulier par ce que j'ai perçu comme l'accélération finale, un moment d'euphorie jouissif. Et il y a aussi la dimension "méta-discursive" dont j'ai pris conscience en me documentant un peu: si je ne fais pas d'erreur, le diasparagmos, rite en l'honneur de Dyonysos, consiste à sacrifier une victime en la démembrant. En fait, (je me trompe peut-être) j'ai réalisé que ce sacrifice est appliqué à la forme même du film. Le film, qui fragmente le corps des "actants", démembre également les images, découpe les mouvements, il [I]démembre[/I] la continuité narrative. Il privilégie l'anti-accord (l'anti-raccord ?). La forme même est mise en pièces. En somme, le cinéma tel que vous le pratiquez est une sorte d'« ovni » vraiment à part que j'admire. (Mais tout ceci est mon point de vue spontané. J'ai peut-être dit des erreurs...) Voilou. (Excusez-moi d'être aussi brouillon...)
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